L’idée

En décembre, alors que je préparais un post sur la Journée internationale des droits de l’homme (toujours sans H majuscule, comme j’en parlais dans cet article), m’est venue cette idée. H comme Homme, H comme Hypocrite, oh, tiens, et si je faisais un abécédaire ?

Je me suis d’abord demandé si j’arriverais à trouver un mot pour chacune des lettres de l’alphabet (sinon, ça marche beaucoup moins bien)… et oui, j’ai réussi. Donc je me suis amusée à créer cet abécédaire.

Bien sûr, pour certaines lettres, j’avais plusieurs idées et j’ai dû faire des choix, donc il se peut que vous ne retrouviez pas certains mots. Pour d’autres, j’ai dû me montrer un peu plus créative !

Le post à l'origine de l'abécédaire :

Aujourd'hui, c'est la journée des droits de l'homme.  J'aimerais qu'en 2023, on arrête avec cette hypocrisie très franco-française    et si le mot homme, en fait, ça désignait les ...HOMMESJe trouve absolument révoltant qu'en 2022 les plus hautes instances  Je développe la question dans un article :

 

Et maintenant, place à la soupe de lettres

 

L’abécédaire du langage inclusif

A comme Académie française

Quarantaine de vieux messieurs riches avec des épées, mais pas de formation en linguistique, qui se sont arrogé le droit de nous dire comment parler et écrire en fonction de leur humeur. Incarnation exemplaire de l’élitisme linguistique qui définit des règles très complexes, renâcle à tout changement et juge sans vergogne les personnes qui ne peuvent appliquer ces règles pour une raison ou une autre. Voir la lettre P.

B comme Binarité

Concept

imposé au forceps à la biologie et à la langue (française). À réserver à l’informatique, la nature préfère la variété. L’un des principes de l’écriture inclusive est justement de rompre avec la binarité (masculin/féminin) linguistique pour faire exister dans la langue, notamment, les personnes non binaires.

C comme Choix

Fondamental pour ne pas passer d’un extrême à l’autre. Le langage inclusif, c’est la possibilité de choisir ses pronoms, sa façon de parler, d’utiliser l’accord de majorité ou de proximité, de privilégier une règle de grammaire plutôt qu’une autre. Ce qui, oui, inclut le choix d’écrire tout au masculin, de se faire appeler Mademoiselle, etc. Mais pas celui d’imposer ce choix aux autres. (C’est le paradoxe de la tolérance).

D comme Domination

Celle du masculin sur le féminin, martelé dès le CE2 aux petits garçons, mais surtout aux petites filles. Se répercute comme par hasard sur le reste de la société. Si la langue est le reflet de notre société, elle a aussi le pouvoir de modeler notre perception de la réalité. Les personnes dominées sont-elles tenues d’accepter sans broncher cette domination ? Là est la question.

E comme Épicène

Se dit d’un terme qui prend la même forme au masculin et au féminin. Alternative très pratique au masculin systématique. Toutefois, ces termes doivent s’accompagner d’une évolution des représentations, car si le terme épicène est associé à des hommes dans notre imaginaire collectif (par ex., actionnaire), il ne suffira pas à lui seul à faire comprendre à notre cerveau qu’il désigne des femmes.

F comme Féminisme

Mouvement politique qui lutte pour l’égalité entre les sexes et la possibilité de choisir la façon dont on veut mener sa vie, et va de pair avec les autres luttes anti-discrimination. Est-ce que l’écriture inclusive est politique ? Oui mon capitaine ! Mais il ne faut quand même pas oublier que la règle du masculin-qui-l’emporte aussi, c’est politique.

G comme Genre

À distinguer : le genre grammatical, d’abord, qui peut être masculin, féminin ou neutre (dans certaines langues, comme l’allemand), qui sert à indiquer comment accorder les adjectifs. Ensuite, le genre sociologique, concept qui renvoie à la dimension identitaire, historique, politique, sociale, culturelle, d’une personne. L’écriture inclusive consiste uniquement à adapter les termes désignant des individus en tenant compte de leur genre sociologique. Contrairement à ce qu’on peut entendre, elle ne s’intéresse pas au genre grammatical des choses inanimées : on ne veut pas transformer les guéridons en tables.

H comme Hypocrisie

Mais surtout H comme Homme, qui, drapé d’une majuscule comme dans l’expression “droit de l’”Homme”, est censé désigner les femmes. Sauf que, ce H majuscule est bien souvent oublié, remplacé par un h minuscule, qui lui, ne désigne que la moitié de l’humanité ! Pas besoin de chercher bien loin les exemples, même l’ONU, sur sa page d’accueil, l’oublie. L’hypocrisie de cette règle bricolée (et pas respectée) pour justifier de conserver ce terme qui pourtant, ne désigne que la moitié de l’humanité, ce n’est pas… Humain...

I comme Iel

Et ses joyeux camarades, les néologismes militants comme autaire, traductaire, utilisateurice… Les exemples abondent et sont plus nombreux chaque année. Leur objectif est de proposer une alternative au masculin générique, qui malgré des siècles de bons offices, ne parvient toujours pas à faire comprendre à notre cerveau que le masculin désigne parfois aussi les femmes. S’entendent mal avec les adjectifs qualificatifs.

J comme Justice sociale

Mouvement consistant à transformer les rapports et les ordres sociaux injustes. Le langage inclusif y contribue en débusquant et en éliminant les stéréotypes et autres représentations des rapports de force dans la langue, rappelant que la langue telle qu’elle existe aujourd’hui est le produit de ces ordres sociaux inégalitaires et non une évolution “naturelle”.

K comme Kryptonite

Le point médian n’est-il pas la kryptonite du conservatisme et de l’élitisme linguistique ? Voyez comme un petit point met en panique et en pamoison des institutions bourgeoises extrêmement riches et puissantes.

L comme Lisibilité

Homme de paille souvent avancé pour étouffer toute velléité d’évolution de la langue sous prétexte de protéger tantôt les personnes malvoyantes, tantôt les personnes dyslexiques. Argument souvent avancé par des personnes qui se moquent le reste du temps des gens qui font des fautes d’orthographe. Voir également la lettre H.

M comme Majorité

(et proximité) Deux accords bien pratiques qui pourraient sans problème se substituer à la règle du masculin qui l’emporte, et qui étaient couramment utilisés jusqu’au XVIIe siècle. Comme son nom l’indique, l’accord de majorité consiste à accorder les adjectifs au féminin si le sujet désigne en majorité des femmes, et vice-versa. L’accord de proximité consiste à accorder l’adjectif avec le nom le plus proche.

N comme Neutre

Ce que le masculin n’est pas : la langue française n’a pas de genre grammatical neutre. La neutralisation, qui se fait par d’autres moyens, notamment le recours aux termes épicènes, est l’un des volets du langage inclusif (voir également la lettre R). La neutralisation a plusieurs utilités, notamment : rétablir une certaine égalité de représentation en réduisant la visibilité des hommes, choisir de ne pas donner d’indication sur le genre des personnes dont on parle, mais aussi rendre visible les personnes non-binaires.

O comme Objection

Marche aussi avec opposition. Phénomène rencontré à chaque tentative d’évolution de quoi que ce soit. Fait souvent feu de tout bois (pratique pour se chauffer en hiver), mais ne doit pas décourager les bonnes volontés.

P comme Péril mortel

Expression pas du tout alarmiste employée par l’Académie française pour mettre en garde contre l’écriture inclusive (probablement plutôt le Point médian) et couper court à toute discussion. À croire que ce petit point au milieu d’une ligne serait le premier domino de l’effondrement d’un système… D’aucune dirait que le péril mortel ne vise pas la langue française, qui en a vu d’autres… mais plutôt une certaine vision du pouvoir ?

Q comme Querelle des femmes

Polémique récurrente remontant à la France du XVe siècle et défendant les droits et l’égalité des femmes, sur le plan politique, marital, mais aussi linguistique, en opposition au climat de plus en plus masculiniste de l’époque. En effet, les politiciens ne ménageaient pas leur peine pour priver les femmes de leurs droits, notamment en bidouillant des lois vieilles de 1000 ans pour exclure les femmes du trône (la Loi salique). C’est dans ce contexte général que s’est opérée la masculinisation de la langue, contestée aujourd’hui. N’en déplaise à certains, la question n’est pas un effet de mode remontant aux années 1990.

R comme Reféminisation

Et non pas féminisation. Car fut un temps, la langue française était beaucoup moins masculine que cela, ou en tout cas, laissait beaucoup plus de liberté pour employer des formes féminines (le fameux autrice), car le français n’est pas par essence sexiste. Sa masculinisation ne s’est pas faite naturellement, il n’est donc pas étonnant que l’inversion du procédé nécessite un peu d’aide.

S comme Suffixe neutre

L’une des solutions proposées pour simplifier la démasculinisation sans rallonger les phrases. Traductaire, rédactaire, autaire… Particulièrement pratique pour les professions qui sont en grande partie ou majoritairement féminines, mais où les hommes restent les plus visibles (comme la traduction).

T comme They ou les limites de la Traduction

They est un pronom neutre en anglais, souvent utilisé au singulier quand on ne connait pas ou qu’on ne veut pas préciser le genre de la personne dont on parle. Le traduire par “Il” en français est ici au mieux une faute de traduction.

U comme Usage

Ensemble des règles de grammaire faisant consensus auprès du plus grand nombre de locuteurs et locutrices à un moment donné. Évolue naturellement au fil du temps quand il n’est pas faussé par des décisions politiques en haut lieu, car la langue n’est pas un concept figé. Sinon, nous parlerions encore latin (ou indo-européen, ou ce qu’il y avait avant).

V comme Viennot, Éliane

Professeuse de littérature, écrit beaucoup sur l’évolution de la langue et œuvre activement à la revalorisation du féminin. Autrice, notamment, de Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin.

W comme Woke

Accusation souvent entendue à l’encontre de l’écriture inclusive (entre autres) et provenant généralement de la droite ou de l’extrême droite. Fin de non-recevoir visant à disqualifier un mouvement, une revendication. En réalité, ce qu’on reproche aux wokes, c’est de lutter pour la justice sociale et l’égalité raciale. Drôle d’accusation, donc.

X comme Xénophobie

Réaction qui va de pair avec l’”exception culturelle” française, qui accuse le mouvement du langage inclusif de venir de l’étranger (voir la lettre Q), ce qui suffit à le disqualifier, ou de ne concerner que les langues étrangères, moins prestigieuses que le français. On pourrait opposer que c’est en s’inspirant de ce qui vient d’ailleurs que l’on peut évoluer, grandir, apprendre… et se rendre compte qu’on n’a rien d’exceptionnel, et notre langue non plus, qui n’échappe pas aux règles de l’évolution.

Y comme Y-a-plus-important

La hiérarchie des combats est un argument courant contre l’écriture inclusive. D’une part, l’un n’empêche pas l’autre, on peut lutter pour plusieurs causes. On peut aussi se demander QUI est légitime à décider de cette hiérarchie. D’autre part, les avancées symboliques sont importantes pour faire avancer les grandes causes, car ces “petits” changements habituent progressivement notre cerveau à une nouvelle réalité.

Z comme Zufferey, Gygax et Gabriel

Autaires de “Le cerveau pense-t-il au masculin”, court ouvrage de vulgarisation psycholinguistique qui décrit l’impact du masculin générique sur notre cerveau et notre compréhension, à grand renfort d’études et d’expériences concrètes. À mettre entre toutes les mains, tout particulièrement quand on vous réclame des sources pour essayer de vous faire taire ou quand on vous dit que “Moi, je comprends très bien que le masculin désigne les femmes”.

 

Et voilà pour cet abécédaire. Pour suivre l'actualité inclusive du Charme des Mille-feuilles, vous pouvez vous abonner à ma newsletter et recevoir ma bibliothèque de ressources en cadeau !

 

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