Depuis 2021, le français inclusif (également appelé écriture inclusive, langage épicène, langage inclusif…) est l’un de mes domaines de spécialité : qu’il s’agisse de traduction, de rédaction ou de réécriture, avec le Charme des Mille-feuilles, c’est désormais aussi possible en français inclusif.
Comme on entend tout et son contraire sur l’écriture inclusive et que je parle moi-même régulièrement de ce sujet, j’ai décidé de centraliser ici tous mes articles sur la question.
L’écriture inclusive, de quoi parle-t-on ?
L’écriture inclusive fait souvent figure d’épouvantail, l’Académie française l’a même qualifiée, non sans une pointe d’alarmisme, de “péril mortel”… Ne nous le cachons pas, c’est souvent une stratégie gagnante pour ne pas parler des problèmes de fond. Comme souvent dans ce genre de débat, tout est question de mesure. Je trouve dommage de tout rejeter en bloc, surtout sans se renseigner un peu. Ça tombe bien, on est là pour ça.
Pourquoi on parle de démasculinisation ou reféminisation de la langue
L’écriture inclusive est une démarche de démasculinisation de la langue. Kézako ? La langue française a été masculinisée “d’en haut” à partir du XVIIe siècle, avec l’Académie française en première ligne (vous comprenez mieux qu’ils prêchent aujourd’hui pour leur paroisse…). Pour des raisons ouvertement misogynes (il ne faudrait pas qu’on oublie que “Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle.”)…
Mais aussi élitistes : dans le même temps, on a standardisé (rigidifié) l’orthographe et la grammaire, pour “distinguer les gens de Lettres d'avec les Ignorants et les simples femmes”. Tout ça pour dire que oui, le français inclusif est une démarche politique, MAIS la langue qu’on nous a enseignée à l’école AUSSI.
Qualifier de “novlangue ridicule” la démasculinisation de la langue, c’est oublier que la masculinisation de la langue était une volonté politique de contrôle des femmes (et des classes n’appartenant pas à l’élite) à l’époque où elle a été instaurée.
La langue influence les mentalités (je vous renvoie à ce très bon article de Science étonnante) et je suis convaincue que la lutte contre le sexisme passe aussi par les mots. Si l’on n’apprend pas aux petits garçons dès le primaire que le masculin l’emporte systématiquement sur le féminin, on ne leur inculquera pas que leurs petites camarades valent moins qu’eux. Si le mot poétesse est plus répandu, les petites filles comprendront peut-être mieux qu’elles ont le « droit » d’être poète(sse)s aussi. La représentation, c’est important.
Exemple concret : quand le masculin invisibilise les femmes
Prenons un exemple qui m’est arrivé. Cheffe d’entreprise vous fait tiquer ? Me prenant visiblement pour la secrétaire, le dernier démarcheur téléphonique ayant contacté mon entreprise, Claire Michelon Traductions, a insisté à maintes reprises pour que je lui passe le directeur ou mon responsable, c’était apparemment inconcevable que le gérant d’une entreprise qui s’appelle CLAIRE… soit une gérante. C’est toujours “cheffe” qui vous choque ?
Quant à l’argument qui veut que “ça fait bizarre“, c’est juste une question d’habitude.
Qu’est ce qui est reproché au français “standard” ?
Le nerf de la guerre, c’est cette règle du masculin qui l’emporte sur le féminin ! J’y reviens plus en détail dans cet article, où je réponds au passage à quelques objections qui reviennent souvent. Rappelons au passage que le masculin dit générique (par opposition à un masculin spécifique qui désignerait les personnes de genre masculin) est ambigu, on ne sait jamais si on parle uniquement des hommes ou de tout le monde.
La solution la plus simple est de remettre au goût du jour les accords dits de proximité (on accorde avec le nom le plus proche) ou de majorité !
Autre reproche, c’est le fait d’utiliser le terme “homme” pour désigner toute l’humanité. Or, cet universalisme ne fait qu’invisibiliser les différences, ce qui pose particulièrement problème quand on parle de droits. Eh oui, pendant longtemps, droits des hommes et droits des femmes (et enfants) étaient clairement antagoniques, on ne doit donc pas les mettre dans le même panier.
Alors, Droits de l’Homme ou droits humains, quelle différence? Je vous explique tout et propose d’autres solutions dans cet article.
La langue évolue en même temps que notre société : c’est justement ce qu’on se propose de faire. Dans C’est (pas) dans le dictionnaire, je reviens sur ces peurs et idées reçues liées à l’évolution de notre dictionnaire (et de notre vocabulaire de manière plus générale).
J’ai aussi créé un abécédaire du langage inclusif pour faire un tour d’horizon ludique des différents enjeux de l’écriture inclusive !
Ce que l’écriture inclusive n’est pas…
L'écriture inclusive, ce n'est pas seulement le point médian
C’est pourtant le raccourci le plus courant (car le plus visible). Personnellement, je l’utilise très peu, non pas par refus de ce marquage typographique, mais parce que, sauf contrainte de caractères, je n’utilise pas d'abréviations par ailleurs dans mes textes. Question de préférences personnelles.
Je vous explique plus en détail ce qu’est le point médian et mon approche de cet outil typographique dans Un point (médian), c’est tout ?
L'écriture inclusive, ce n'est pas que l'égalité femmes-hommes
Pas de féminisme sans intersectionnalité. L’éradication des stéréotypes et expressions dégradantes (racisme, lgbtphobie, validisme, psychophobie…) de la langue fait tout autant partie du français inclusif que les principes antisexistes.
Avec l’écriture inclusive, il n’y a pas une seule bonne réponse
Ce qui peut perturber quand on passe du français scolaire, fait de dictées, de corrections en rouge et de règles et listes d’exceptions à apprendre par cœur, au français inclusif… c’est justement la plus grande liberté. Rien n’est jamais “obligatoire”, c’est d’ailleurs pour cela que je n’impose pas l’écriture inclusive à mes clients et clientes.
Vous avez d’ailleurs le choix entre différentes stratégies pour vos textes (selon votre cible, votre degré de militantisme…) :
- le saupoudrage : on n’efface pas tous les masculins, mais on gomme un peu en fonction de ce qui vient spontanément.
- le sous-marin : on écrit en inclusif, mais en respectant strictement les règles de grammaire apprises à l’école .Résultat : les gens qui croient toujours que l’écriture inclusive, ce n’est que le point médian, ne se rendent pas compte qu’ils lisent un texte inclusif.
- l’inclusif visible : on ne se cache pas. On utilise les points médians, les néologismes, les accords de proximité et de majorité... Bref, tout l’arsenal de l’écriture inclusive. On peut même envisager un “manifeste” pour expliquer cette démarche. Idéal quand on veut aligner le fond et la forme du message, surtout quand l'organisation porte des valeurs d'inclusion et de diversité. Et quand on veut que ça se sache.
Comme vous pouvez le constater, le français inclusif doit s’inscrire dans une stratégie, s’articuler avec d’autres formes de diversité et d’inclusion, il n’est pas juste là pour faire joli. Sinon, on tombe vite dans le “féminisme washing”. Ce que je vous encourage à faire, c’est plutôt une démarche d’authenticité, d’alignement de votre communication avec vos valeurs et les valeurs de votre entreprise.
L’écriture inclusive, comment on fait ?
Si vous avez envie d’adapter votre style, que ce soit en opérant un virage à 180° pour adopter l’inclusif visible ou que vous commenciez par un saupoudrage histoire de prendre la température, j’ai aussi quelques outils pour vous.
Dans Comment rédiger en langue inclusive ? Le langage non sexiste, j’ai recensé une vingtaine de stratégies pour vous aider à mettre plus d’inclusivité dans vos textes sans pour autant adopter le point médian.
Je vous propose aussi un avant-après concret, dans lequel je montre comment j’ai adapté un article rédigé par un sophrologue en français inclusif. J’explique à chaque fois ma démarche et mon raisonnement pour vous aider à vous approprier les techniques.
Enfin, si comme moi, vous aimez lire, voici 3 lectures grand public pour tout comprendre à l’écriture inclusive à travers 3 perspectives : historique, linguistique et psycholinguistiques.
Le français inclusif, ça marche aussi pour la traduction
On a ce mythe comme quoi l'anglais est neutre, et pourtant il y a du sexisme ! Je vous propose de réfléchir ensemble à cette question.
Pourquoi traduire en français inclusif ? Quand le texte source est écrit en inclusif (c’est de plus en plus le cas en allemand) ou provient d’une langue non ou peu genrée (comme l’anglais), le français inclusif est souvent plus indiqué que le français standard, car plus fidèle à l’intention du rédacteur ou de la rédactrice.
Exemple concret d'une traduction qui n'a pas fait le choix du français inclusif et va clairement à l'encontre de la volonté de l'autrice, passant à côté de son sujet : la traduction du livre Femmes invisibles, que je décrypte pour vous.
Enfin, l'écriture inclusive (et le langage clair) sont un champ de recherche à part entière. Tour d'horizon des études sur l'écriture inclusive chez (R)évolution Inclusive
Conclusion, invitation !
Pour moi, tout a commencé par une formation avec Isabelle Meurville, Écrire sans exclure. Au bon endroit, au bon moment ? Ce qui est sûr, c’est que l’énergie puissante qui s’est dégagée de ce groupe a débouché, un an plus tard, sur la collective (R)évolution Inclusive. Traduction, rédaction, réécriture, relecture, conseils, formations... Ensemble, nous pouvons répondre à tous vos besoins de français inclusif. Vous pouvez nous suivre sur les réseaux sociaux.
Dans le Mycélium, mon podcast, j'ai discuté écriture inclusive avec une invitée. Parmi les questions auxquelles-nous avons répondu, La langue est-elle politique et Y a-t-il des combats plus importants ? Il s'agit de l'épisode 13, disponible sur toutes les plateformes.
Si vous avez envie d’explorer l’inclusivité de façon plus ludique, j’ai deux invitations gratuites pour vous :
- Abonnez-vous à la missive inclusive, une lettre bimensuelle où j’explore des thématiques en lien avec le féminisme, la diversité, l’inclusivité, au travers de mes lectures. En vous abonnant, vous débloquerez votre accès à “Ma bibliothèque inclusive (et féministe)”, une bibliothèque évolutive de lectures et de ressources sur ces sujets.
- Rejoignez Le book club inclusif, un club de lecture que je co-anime avec Charlotte Marti, également membre de la collective (R)évolution Inclusive.
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