Tranchons la pomme de discorde en deux : rédaction inclusive et point médian
Qu'est-ce que le point médian ?
Je voudrais vous parler de façon plus détaillée de mon approche de la rédaction inclusive dans une série d’articles, en commençant par sa pomme de discorde, le point médian, ou point milieu. Comme ça, c’est dit.
Petit rappel pour celles et ceux qui ne savent pas de quoi je parle : le point médian, ou point milieu, est un marqueur typographique qui permet de faire apparaitre simultanément la forme masculine, féminine et, selon le cas, plurielle, d'un même mot. Par exemple, les mécanicien·ne·s. Ce point s'inscrit au-dessus de la ligne, et non pas sur celle-ci, d'où son nom. C'est une forme d'écriture inclusive dite ostentatoire, car elle permet d'afficher clairement que le groupe contient des femmes (ce que le terme "mécaniciens" ne précise pas). Son intérêt principal est la concision.
À l'oral, comme n'importe quelle ponctuation, il ne se lit pas (vous ne lisez pas les virgules, je suppose, quand vous lisez à haute voix ?). Par exemple, "français·es" se lirait "françaises et français".
Malheureusement, cette forme d'écriture est souvent présentée sous l'appellation "écriture inclusive", occultant toutes les autres techniques à notre disposition (retrouvez une vingtaine de techniques de français inclusif dans cet article : vous comprendrez vite à quel point l'amalgame écriture inclusive = point médian est réducteur). D'ailleurs, je préfère parler de rédaction inclusive ou de français inclusif (pour inclure l'oral) et pas d’écriture inclusive, principalement en raison de ce raccourci très répandu.
Le reproche qu'on fait à ce point médian, c'est sa prétendue illisibilité. Pourtant, c'est une abréviation comme une autre ! Par exemple "M.", "n°" "Mme..." La différence, c'est que ceux-là, on a appris à les lire à l'école, et pas le point médian.
J'entends parfois dire que "quand il en a trop on ne comprend rien". Et c'est vrai. Moi la première, je trouve parfois que certains textes qui abusent du point médian pourraient être vraiment améliorés en optant pour d'autres méthodes. MAIS
- il n'y a pas besoin d'écrire en inclusif pour faire des fautes de français, loin de là. Et je lis aussi quantité de torchons rédigés au masculin générique.
- je vois souvent des "Mr." ou des "Mr" pour dire "monsieur" alors que le premier est faux et le second veut dire "Mister". Ou "Dr." pour docteur, tournure fausse également. On s'en remet.
C'est justement par une plus grande éducation, plutôt qu'une réaction épidermique de rejet, qu'on pourra améliorer tout ça. C'est un des services que propose la collective (R)évolution Inclusive, dont je fais partie, si vous voulez en savoir plus.
Comment j'utilise le point médian ?
On pourrait disserter longtemps sur l'alarmisme qu'on croise régulièrement à ce sujet, mais je vais faire simple pour aujourd'hui ! Pour moi, la rédaction inclusive va bien plus loin qu’une paire de points médians qui se battent en duel, c’est une approche complète. (Vous aussi, maintenant, vous imaginez les points avec un fleuret et un chapeau à plume, ou c’est moi qui abuse du Dumas?)
Si vous lisez mon site plus attentivement, vous noterez qu’il est écrit en langue inclusive ! (À part une ou deux occurrences conscientes de « traducteur », glissées là car, malheureusement, même si cette profession est exercée à 80% par des femmes, les gens ont l’habitude de chercher des hommes à cause de cette règle du masculin qui l'emporte sur le féminin indépendamment du nombre.) Site en langue inclusive… sans point médian. C'est un choix volontaire, car c'est un bon moyen de montrer que justement, si le point médian est un outil d'écriture inclusive parmi tant d'autres, ce n'est en aucun cas le principal !
En effet, la plupart du temps, les gens ne sont pas à l'aise avec ce point médian encore très récent et c'est vrai que les lecteurs d'écran ne le lisent pas encore tous très bien (même si cet argument va certainement évoluer au même rythme que ces logiciels qui peuvent totalement apprendre à le lire, comme ils ont appris à lire @ ou "M.", ou n'importe quel autre signe de ponctuation).
Ma recommandation (qui évoluera peut-être dans quelques années) : l'utiliser avec parcimonie (si on choisit de l'utiliser), en cas de contrainte d'espace (titres, sous-titrage), lorsqu'on n'a pas trouvé d'alternative (je vous renvoie encore à mon article qui recense une vingtaine de techniques pour plus d'idées).
Personnellement, je l'utilise très rarement, généralement dans des notes personnelles, pour gagner du temps. Si on me le demande, je peux l’utiliser, mais tant que c’est possible, je cherche (et trouve) d’autres solutions, plus lisibles et plus élégantes (même si ce dernier critère est totalement subjectif).
Je ne suis pas opposée à ce signe de ponctuation pour autant !
Je comprends totalement celles qui pratiquent l’écriture inclusive dite ostentatoire, qui se voit et s’affirme comme un acte politique, et je soutiens totalement la démarche, loin de moi l’idée de dire que le militantisme doit impérativement être discret. Le problème du point médian se pose véritablement quand il est utilisé n’importe comment (souvent dans un texte pas si inclusif que ça, d’ailleurs), ou comme homme de paille pour tourner la démarche en ridicule.
Mon conseil : prendre le temps de se demander pourquoi on décide d'adopter ou rejeter une idée, prendre conscience de ce qu’on fait, de ce qu'on pense, de ce qu'on croit. Quoi qu’on décide, c’est toujours mieux que de reproduire machinalement ce qu’on nous a appris sans jamais s’interroger. (Ce qui est valable pour tout dans la vie.)
Et même si vous ne voulez pas de point médian, j'espère que vous ne vous priverez pas pour autant d'une communication plus inclusive !
À propos de la dyslexie ou de l'illetrisme comme argument anti-point médian, l’argument me gêne à un autre niveau : je trouve qu’elle sert un peu de faire-valoir, d’excuse. Pour le dire franchement, c'est de la récupération politique de bas étage, émanant souvent de personnes souvent hostiles à toute réforme du français. Pour vraiment faciliter la vie des personnes dyslexiques, illettrées ou allophones, il serait sans doute plus intéressant, par exemple, de penser les textes en Français facile à lire et à comprendre (FALC) ou en langage clair, une compétence que je développe actuellement, toujours dans un souci d’inclusivité. Là encore, il s’agit de penser aux textes dans leur globalité, pas sous forme de mots pris séparément. Affaire à suivre ! Et de réformer l'orthographe et l'accord du participe passé, compliqués artificiellement dans une volonté élitiste il y a quelques siècles.
Vous voilà plus tranquilles?
Si vous aussi, vous souhaitez une communication inclusive ET élégante (que vous aimiez ou non le point médian), parlons de votre projet !
Pour aller plus loin : Tout savoir sur le point médian, par Charlotte Marti, également membre de (R)évolution inclusive
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