Dans cet article, je vous propose d'aborder la question de la traduction automatique, c'est-à-dire les services de type Google Traduction, et de la rédaction automatique (Chat GPT et consorts)
On vous a sûrement déjà râbaché que "si c'est gratuit, c'est vous le produit", mais il y a d'autres choses à prendre en compte.
L'automatisation, un outil à ne pas prendre à la légère
Certains y voient la solution à tous leurs problèmes, un gain de temps et d'argent ! Pourquoi payer un traducteur à passer des heures ou des jours sur un texte quand tout peut être fait gratuitement et en deux clics ? La question est légitime, la réponse, très simple : s'il existait vraiment un logiciel capable d'égaler le cerveau humain en matière de traduction, pensez-vous sincèrement qu'on vous laisserait l'utiliser gratuitement et à volonté ?
La traduction, souvent mal comprise, n'est pas un simple processus de substitution d'un mot par un autre. Prenez le mot « avocat », disons, dans un texte juridique. Laissez cela à un système automatique et il y a une chance sur deux pour que votre requête judiciaire vire… au guacamole ! Et oui, le terme se traduit par plusieurs mots complètement différents en anglais
- Rien que pour l'avocat juridique, il existe au moins quatre mots, selon le pays, le contexte. Attorney, solicitor, barrister, lawyer - c'est pour ça que la traduction juridique est une spécialité à part entière et qu'on ne peut pas se contenter de prendre le premier mot qui sort dans le dictionnaire.
L'autre problème n'est pas tant lié à l'outil lui-même, mais aux conditions dans lesquelles il est utilisé : réduction des délais, baisse de la rémunération, multiplication des tâches administratives et des plateformes pensées pour toute la chaine, sauf la personne qui assure la traduction ou la rédaction... La dégradation des conditions de travail n'est pas sans conséquences non plus sur le résultat final. Veut-on continuer de vivre dans un monde où les considérations économiques l'emportent toujours sur le reste?
Le gros défaut des IA...
L’autre souci de l’ia, c’est qu’elle ne sait pas dire qu’elle ne sait pas. Il m’est arrivé de passer des heures à rattraper les dégats derrière juste parce que l’IA ne sait pas dire “oui non là je ne comprends rien, je n’y arrive pas, c'est bizarre...” Mais ça, c'est quand on prend le temps de repasser derrière. Je n'aurais probablement pas passé beaucoup plus de temps à faire, qu'à défaire et refaire ("à faire et à défaire, on n'est pas à rien faire, comme disait un livre que j'avais adoré à l'école primaire), et ça aurait été beaucoup plus intéressant. Sans doute meilleur, aussi.
L’ia donnera toujours une réponse, quitte à inventer ou faire n’importe quoi. Alors qu'un être humain professionnel et compétent sait normalement dire "Je ne sais pas, j'ai besoin d'aide" ou poser une question, demander une précision. C'est pour ça que quand votre traductrice vous pose une question, c'est rarement un signe d'incompétence (et probablement pas pour vous casser les pieds), mais plutôt l'inverse.
Petite parenthèse sur la rédaction et Chat GPT
Quand vous devez rédiger des textes, vous ne songez pas à confier ce travail à un ordinateur, en lui lâchant la bride et sans aucun contrôle, vous vous tournez vers un humain. Même les outils comme Chat GPT ne vous seront pas d'une grande utilité si vous n'avez pas préalablement :
- identifié votre cible : qui est-elle, qu'a-t-elle envie de lire, de quoi a-t-elle besoin ?
- identifié des idées de contenu : de quoi voulez-vous parler, sur quel support, quelles sont vos valeurs ?
- identifié les sources correctes, vérifiables...
- identifié les bonnes méthodes de promptogénie : quoi demander à l'IA ?
Même avec un outil automatique, on est loin du simple clic bouton. Et c'est aussi ça, le travail des rédacteurs et rédactrices ! Avant de poser la plume sur le papier ou le doigt sur le clavier, il faut une bonne dose de jus de cerveau !
De plus, il s'avère que Chat GPT peut inventer des sources quand il n'en connait pas... il ne faut donc pas non plus faire l'impasse sur le travail de recherche, ni se reposer dessus les yeux fermés. Ces outils peuvent vous mâcher le travail, pas le faire à votre place.
Automatiser les textes et traductions, une fausse bonne idée
Entendons-nous bien : ces outils peuvent être utiles quand l'enjeu est faible, le besoin de précision ou de personnalisation minime. Mais dès qu'on parle de communication, de marketing, de traduction juridique, dès qu'on veut rendre un texte public, montrer son expertise sur un sujet, il est important de pouvoir juger de la qualité de ce qui a été fait - et rectifier le tir si besoin. Donc comprendre ce qu'on fait. Ou déléguer si ce n'est pas possible.
Il en va de même pour la traduction. Quand on traduit, on ne se contente pas de chercher dans un dictionnaire. L'activité de traduction consiste à rendre toutes les subtilités d'un texte, et si nécessaire, à l'adapter pour qu'il soit mieux compris ou accepté par le public de destination (on parle alors de localisation). Parfois (et plus souvent qu'il n'y parait), on détecte des erreurs, plus ou moins graves… et on les corrige dans la traduction, plutôt que de les reproduire. En fin de compte, votre traductrice sera bien souvent la lectrice la plus attentive de vos textes !
Automatisme et langage inclusif
On aurait tendance à croire que les outils d'IA* sont neutres, car "c'est du code"... C'est oublier que ce code a été fait par des humains. Qui malheureusement ont des biais. C'est l'un des problèmes du manque de représentativité dans la tech : les équipes sont majoritairement composées d'hommes blancs, généralement d'Amérique du Nord, qui ont tendance à apprendre aux machines ce qu'ils connaissent, et n'ont pas forcément conscience de leurs biais. C'est comme ça qu'ont se retrouve avec des outils de traitement automatique biaisés !
- en mettant au masculin des mots comme "fort", au féminin des mots comme "belle"
- en reproduisant les stéréotypes de genre pour les métiers alors même que la langue source ne donne aucune information sur le genre
- en perpétuant les biais racistes et sexistes
- etc.
C'est d'autant plus important d'en avoir conscience que, comme l'explique très bien Caroline Criado Perez : "les machines ne se contentent pas de refléter nos préjugés. Parfois, elles les amplifient, et dans des proportions considérables." (Femmes invisibles, Comment le manque de données sur les femmes dessine un monde fait pour les hommes, p 190).
Dès qu'il va s'avérer nécessaire de traduire en français inclusif, les outils de traduction automatique sont perdus. C'est bien normal, puisqu'ils sont alimentés par des corpus écrits au masculin générique.
*D'ailleurs, ce terme d'intelligence artificiel est trompeur, on devrait plutôt parler de réseaux neuronaux et de traitement automatique des langues (ou des images). Pour en savoir plus, je laisse parler les spécialistes.
Automatisme et personnalisation
Autre problème de l'automatisation... la standardisation. Faute de prendre le temps d'une vraie étape de création, vous allez vous retrouver avec les mêmes textes/les mêmes traductions que les autres.
Pour éviter cela, il faut savoir se poser les bonnes questions. C'est ce qui avait d'ailleurs étonné Bul-lon au début de notre collaboration. Avant d'écrire quoi que ce soit, j'ai commencé à lui poser beaucoup de questions auxquelles il n'avait pas réfléchi, mais qui l'ont aidé à vraiment creuser son projet, ce qui nous permet de créer des textes qui lui ressemblent beaucoup plus.
Sans parler des problèmes de confidentialité : il y a des chances que vos textes aillent ensuite nourrir la machine et alimenter ceux des autres.
Et tout cela, c'est sans parler des problèmes de pollution que posent ces services, très gourmands en ressources pour stocker les données dont ont besoin ces programmes génératifs. Si l'écoresponsabilité est importante pour vous, c'est un aspect à prendre en compte.
J'espère que cet article vous aidera à vous poser les bonnes questions. Si vous souhaitez travailler "à la vieille école", contactez-moi pour parler de votre projet !
Pour aller plus loin sur le sexisme des IA (en anglais) : Chat GPT prefers to let women die, Switzerland Times
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